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Louis LE HIR vu par son ami Yal Sadat …

Témoignage de Yal  

(Yal et Louis étaient amis depuis plus de 15 ans, Yal est Journaliste et critique de cinéma)

 

Je vais essayer de faire le plus court possible, parce que je sais que tu n’as jamais aimé les longs discours solennels. D’ailleurs, je t’entends d’ici pouffer de rire en m’écoutant, comme dans le temps où l’on s’effondrait d’hilarité en observant le petit manège des gens trop sérieux. 

Un autre qui n’aime pas les longs discours, c’est Clown. Ces derniers jours, j’ai rouvert les albums qui racontent ses aventures. J’ai été frappé de voir à quel point, lui aussi, il parlait avec éloquence, mais en se passant de grandes paroles : c’est comme s’il dialoguait avec son lecteur depuis son for intérieur, par de drôles de grondements sourds et beaux. Un taiseux, ce Clown. J’ai été frappé de voir, aussi, à quel point son parcours me rappelait le tien. Ce n’est pas qu’une question de dégaine, de tête rasée et de cigarette au coin du bec : ce qui te rapproche de cet alter ego, c’est d’abord une manière d’avancer, envers et contre tout, dans un tunnel de nuits et de jours pavé de noirceur, mais toujours avec un filet d’espoir lumineux en guise de boussole. Se coltiner la crasse, la violence, la boue du monde, en étant parfois un peu sombre, certes, mais en restant stoïque, optimiste et bienveillant au bout du compte. Une bonne définition de ta position face à l’existence, et que j’ai toujours admirée. 

Clown ne rumine pas, il traverse les cercles de l’Enfer sans broncher, puis, après nous avoir ouvert les portes de son cirque à la Tod Browning, il part pour l’Amérique dans le tome 2, American Clown, exactement comme Bardamu dans Voyage au bout de la nuit. Cet autre soldat de la nonchalance découvrait New York, une « grande ville debout » où il espérait trouver une nouvelle vie enchanteresse, mais où se trament aussi les pires bassesses – comme dans les films hollywoodiens que j’ai aimés avec toi, grâce à toi, et dont on a usé les bandes VHS jusqu’à la corde : Un Justicier dans la ville, Taxi Driver, Bad Lieutenant, et j’en passe. Ce que j’aime dans Clown, c’est ce que j’aime chez son auteur : son univers foisonnant, ses visions riches, singulières, baroques, géniales, qui se nourrissent de la dureté des choses, pour en tirer une énergie folle. Un peu comme la musique que tu écoutais, celle de Motorhead, de Slayer, d’AC/DC, et même de Tri Yann et des rois de la disco, toutes ces chansons qu’on a écoutées trop fort, jusqu’à l’ivresse, jusqu’à ce qu’on doive tous te demander de baisser le volume. Ou encore comme ce refrain punk de The Exploited, « Dead Cities », qu’on a hurlé au-dessus des vagues déchaînées, perchés en pleine nuit sur un rocher au large de St-Malo.

Cet univers qui grouillait en toi, il m’a nourri et inspiré àmon tour, et il continuera de le faire. Jamais on ne peut oublier un tel monde intérieur, celui que renferment les types de ton genre, des types qui attaquent la vie à rebours, des types qui ont quelque chose en plus dans le regard. Comme s’ils avaient longuement scruté l’envers du décor et qu’ils voulaient en rendre compte avec un mélange de mélancolie et de rire – parce qu’avec toi on a ri, souvent, longtemps, pour un rien, comme des bossus. 

Non, jamais on n’oubliera l’inspiration que tu nous a apportée. Jamais on n’oubliera ce modèle de persévérance que tu as été, ni cette détermination qui te faisait venir à bout de ton travail, terminer tes planches avec le même entêtement que Clown lorsqu’il traverse les contrées. Je sais que, même absent, tu me taperas sur l’épaule dans les moments de faiblesse, parce que tu resteras un modèle de courage face à l’adversité. Un peu comme tes autres héros, qu’ils soient en papier ou en muscles : je me souviens que tu me motivais en me désignant des parangons de ténacité aussi variés que Stallone ou Soljenitsyne ; dans la grande littérature comme dans les séries B, tu m’a fait voir ce qu’il y avait de plus noble. Et un jour que j’avais le moral dans les talons, tu m’as appris avec humour la bonne parole de Jean-Claude Van Damme : « il ne faut pas écouter les bruits du monde, mais le silence de l’âme ». 

Je n’ai jamais oublié ce moment, et d’ailleurs j’ai repensé à cette phrase quand je t’ai vu parfois te désoler du sort de l’humanité, des conséquences douloureuses des crises économiques, des guerres, des croisades religieuses, des pandémies qui réduisent le quotidien à un grand nulle part dématérialisé, soi-disant connecté mais au fond dévasté. Un quotidien qui ne te convenait pas. Toi qui es toujours resté attaché, en bon chrétien, à la justice et à la défense des innocents, comme Charles Bronson dans la saga du Justicier dans la ville, tu glissais alors tout doucement, pour devenir plutôt Travis Bickle, c’est-à-dire De Niro dans Taxi Driver : ce vengeur un peu plus tourmenté qui se révolte non seulement contre l’injustice, mais contre la laideur du monde. Heureusement, il achève son parcours en héros, dans le même soubresaut d’optimisme qu’il y a dans tes BD, dans tes toiles, dans tes croquis, dans tes airs de guitare, bref dans ton œuvre – même si tu rirais bien, encore une fois, devant ce terme pompeux. Comme Travis Bickle, comme Clown, tu ne t’es jamais complètement laissé distraire par les bruits du monde. Alors je te promets d’en faire autant : je remonte le volume de la musique pour ne pas entendre ces bruits, et mieux écouter avec toi « le silence de l’âme ». 

 

voir les chroniques de Yal Sadat

 

HOMMAGE DE MAXIME DESRUISSEAUX A LOUIS

Lettre à mon ami Louis

D’abord, sache qu’au moment d’entamer l’écriture de cette lettre, j’ai lancé la trame sonore du film Valerie and Her Week of Wonders, que tu m’avais fait découvrir lors d’une soirée d’amitié magnifique, en 2018, dans ton petit appartement de Paris.

Dès les premières notes, j’ai pleuré. J’ai eu l’impression d’entendre ton âme. Parce que c’est une musique à la fois funeste, mystique, tragique et, étrangement, porteuse d’espoir à travers tout ça. Comme toi. Comme tes BDs. Comme le contenu de tes boîtes le long de la Seine. Comme ton appartement. Entendre le thème principal de Valerie and Her Week of Wonders, c’est entendre ton âme qui vogue à travers les labyrinthes du temps et de la vie.

Toi et moi, on se parlait toujours de cinéma. Et il s’avère que le dernier film que j’ai vu avant d’apprendre ton bouleversant départ, c’est Volver, de Pedro Almodovar. Tu sais probablement c’est quoi, mais puisque ce n’est pas exactement dans ta palette, je précise
quand même, au cas où : c’est l’histoire de deux sœurs endeuillées par le décès tragique de leur mère, avec tous les regrets qui viennent avec ce genre d’évènement, mais qui en viennent à découvrir que le fantôme de leur mère erre encore sur Terre, et qu’elles peuvent donc lui parler de leurs sentiments.

Sur le coup, j’ai trouvé que le film était bien, sans toutefois en avoir été transcendé. Puis, ta sœur Marion m’a annoncé ton décès. Évidemment, le choc a été monumental. J’ai vécu ce fameux moment où on comprend le sens des mots qu’on nous dit et qu’on a néanmoins l’impression que c’est impossible, qu’il y a un bogue dans la Matrice. C’était totalement surréaliste.

J’ai pleuré. Énormément. Avec pauses et reprises, ups and downs, rires et douleurs, pis tout le tralala qui vient avec ça.

Puis, même si ce n’est pas mon genre pantoute, j’ai soudainement eu l’impression, vers 3h du matin, que tu étais là, chez moi, et que tu me regardais. Un peu comme dans Volver. Alors je t’ai parlé, seul dans ma cuisine, en pleine nuit, en considérant le plus sérieusement du monde que tu m’écoutais.

Je t’ai dit que je t’étais infiniment reconnaissant de toute l’énergie que tu m’as transmise pour que je me botte le cul et fasse enfin un nouveau film. Parce qu’à chaque voyage à Paris, criss que tu avais le don de booster mon énergie créatrice. Tu attendais mon prochain film comme on attend le prochain de Martin Scorsese. Tu m’écoutais, me suggérais des œuvres à voir et à lire, tu me faisais cadeau d’ouvrages que tu portais dans ton cœur.

Calisse qu’on a eu du fun. Je t’obligeais à marcher plutôt qu’à prendre le métro, parce que je me sentais dans Midnight in Paris et qu’il était donc chaque fois hors de question que je me déplace sous la terre. Alors tu me faisais découvrir la ville à ta façon, en me parlant d’un auteur, d’un bar, d’un bâtiment. Puis, on arrêtait prendre un « demi », et douze autres encore.

J’ai jamais pensé qu’il y aurait un tout dernier demi. Ça m’arrache le cœur rien qu’à y penser.

Et pourtant, c’est là qu’on en est. It’s over. Et même si c’est infiniment tragique, je tiens à te dire que c’est ben correct. Peu importe comment c’est arrivé, pourquoi c’est arrivé, s’il y avait une « bonne raison » ou pas. Ça ne change rien.

Évidemment, j’aurais préféré que tu ne fasses pas ce que tu as fait. J’aurais voulu te convaincre de venir t’amuser au Canada, de travailler avec moi sur un nouveau film, de rencontrer Nick qui t’aurait fait rire… j’aurais voulu t’insuffler le positivisme et
l’enthousiasme que tu m’insufflais à moi. Peut-être que j’aurais réussi. Peut-être pas.
Mais en tout cas, j’aurais voulu essayer. Au moins le temps de pouvoir te faire une dernière joke. Parce que je le sais que j’étais habile à te faire rire.

Anyway… il va sans dire que la tentation est forte de comprendre ce qui est arrivé, et de se demander ce qu’on aurait pu faire pour changer le cours des évènements. Mais au final, on ne peut plus rien changer : tu n’es plus là.  C’est comme ça. Et encore une fois, il faut que je te le dise : c’est ben correct.

Tu nous manques déjà à Loub et à moi, à tes amis, à ta famille dont tu m’as si souvent parlé. Le niveau de la Seine a certainement monté d’un centimètre ou deux cette semaine.

But life goes on.

J’ai pris une longue marche un peu plus tôt aujourd’hui. J’avais mis la musique en mode « random » et, à un moment donné, la chanson Belzébuth a joué. Elle m’a fait penser à toi. Notamment parce qu’elle a été écrite par Dédé Fortin, une légende de la chanson québécoise populaire, qui a tragiquement décidé de partir de la même façon que toi. Les paroles qui y sont prononcées, surtout vers la fin, me font penser à toi et à ton départ :

En survolant ma banlieue morte
Je remercie le vent qui m’porte
J’pense à ma belle Élisabeth
A doit se demander c’que j’ai fait
Pour ma neuvième et dernière vie
J’avais mérité le confort
J’ai ben fait de partir plus tôt
Mon cœur préfère la vie d’oiseau

Sur ce, je te parle d’une toute dernière œuvre. C’est le roman Dying Inside, écrit par Robert Silverberg en 1972. En hommage à ta mémoire, dans l’espoir d’apporter un tout petit peu de réconfort à tous les gens qui t’aiment et qui pleurent, je cite les derniers
paragraphes du récit :

Tout est tranquille maintenant.

Le monde est blanc à l’extérieur et gris à l’intérieur. J’accepte. Je pense que l’existence sera plus paisible. Le silence va devenir ma langue maternelle. Il y aura des découvertes et des révélations, mais pas de bouleversements. Peut-être que plus tard le monde retrouvera un peu de ses couleurs pour moi. Plus tard. Peut-être. 

Vivants, nous nous tracassons; morts, nous vivons. Je tâcherai de garder cela à l’esprit. Je serai de bonne humeur.

Jusqu’à ce que je meure une deuxième fois, salut, salut, salut.

Max
4 décembre 2020

  • C’est au festival Polar de Cognac en Octobre 2016 que Louis fait la connaissance de Maxime Desruisseaux (écrivain et cinéaste Québécois) qui devient son ami. Maxime était invité au festival en tant que réalisateur.

Le 16 OCTOBRE 2016 au Centre de Congrès LA SALAMANDRE
Maxime Desruisseaux (Quebec) présentait son film :
« HARRY : PORTRAIT D’UN DETECTIVE PRIVE » 

 

Louis Le Hir… nouvelle BD BOUCHE DE CUIR… en cours

Louis et une nouvelle BD

Essai Couleur pour un nouvel album de BD intitulé  Bouche de Cuir. Un nouveau héros fait son apparition. Ce n’est pas un personnage de CLOWN  bien qu’il se déroule pour une partie dans l’univers du cirque. L’action se situe au début des années vingt juste après la Grande Guerre .

 

 

6 -ème album de Louis Le Hir en cours de préparation.

Bouche De Cuir planche 3 - Louis le Hir
Bouche De Cuir planche 3 – Louis le Hir  Dessin et Scénario – Jean Louis Le Hir Couleurs
Bouche de cuir - louis Le Hir - Jean Louis Le Hir - planche en cour de colorisation
Bouche de cuir – louis Le Hir – Jean Louis Le Hir – planche en cour de colorisation