louis le hir … Arnaud Malassé …

Louis et Arnaud
l’escalier dont parle Arnaud dans sa lettre …

Louis décédait le 02 décembre 2020, il y a un an.

J’ai pris connaissance hier d’un beau témoignage d’Arnaud Malassé sur Louis publié sur son compte Facebook en janvier 2021. C’est l’occasion de vous le partager avec son accord et de vous remercier de votre amitié pour Louis:

« Il y a un mois, j’allais ressentir l’une des plus grandes détresses et peut-être la plus grande impuissance de ma vie en apprenant le décès d’un être extrêmement cher. Un mec que je connaissais depuis le CE1, avec qui j’ai joué aux billes, à l’avion, à chat.

On était des gamins.

En 1998, on se retrouvait au collège, pas dans la même classe, mais on passait du temps à discuter. Plus particulièrement lors de ce voyage scolaire à la neige où, du haut de tes douze ans, tu me faisais part de ton amour pour des films comme Mad Max; les Aliens; Predator et autres merveilles que mes parents ne me laissaient pas regarder. Tu me prêtais les K7 que je tentais de mater en douce. T’avais déjà cette étincelle dans les yeux quand tu parlais du septième art.

On était des gamins.

Finalement tout a commencé en 2000, quand on était en quatrième, que l’on rentrait à pied et que l’on a découvert cet escalier à cent mètres de chez tes parents, à cent mètres de chez les miens. Au départ on se disait à demain, et puis un jour on a fini par se poser et discuter plus longtemps de nos passions: Les BD, les films, la guitare pour toi. Les jeux vidéo, les mangas et le tae kwon do pour moi.

« Hé Nono t’as vu? Samedi y a une nuit manga au cinéma, y a Akira! »

«Heu ouais chaud mec, ça fini tard et je sais pas si mes parents seront ok… Ils disent quoi les tiens? »

« Si les tiens sont ok, ils sont ok! »

Et je revois encore ta tronche après Ghost in the Shell: « Putain c’est un chef d’oeuvre, j’ai rien compris, mais c’est un chef d’oeuvre ». C’était ma première nuit blanche.

On était des gamins.

On a commencé à enchaîner les soirées films: Une nuit en enfer, 8 mm, Bad Taste, L’exorciste… Tu partageais avec moi ta passion pour les films d’horreur. On se posait dans l’escalier pour lire les Mad Movies là où les autres étaient trop fiers d’avoir réussi à pécho un Entrevue (les cons). On se demandait comment commander The Infantry of Doom; Psycho Sisters et autres merveilles à la bolognaise « strictement interdits aux moins de 18 ans ». Notre échec fût total.

Toujours passionné par l’horreur tu t’invitais de temps à autres pour me regarder jouer (et flipper) à Silent Hill; Resident Evil 2 ou Dino Crisis.

On était des gamins.

Puis il y a eu la musique, où tu mettais dans mon baladeur tes compils de Slayer, Pantera, Metallica et où j’essayais (en vain) de te convertir à Slipknot, Korn et autres Linkin Park. Rien n’y faisait, c’était « à chier ».

Je me souviens d’ailleurs de ce matin,en 2002 aux alentours de 8h, de retour d’une soirée, ou plutôt d’une nuit, où tu m’avais fait hurler de rire à faire du air guitare sur Slayer. On était posés dans cet escalier et je ne comprenais pas ce qui m’arrivait, j’étais mal. C’était ma première gueule de bois (au porto) et c’était avec toi.

On était des gamins.

Quelques soirées de lycée, mais faut que je bûche, faut que je décroche ce bac de merde et petit à petit, on se perd de vue… Jusqu’à ce jour de 2005 où tu sonnes à ma porte avec l’autre barbu: « Hey Nono, paraît que tu t’es mis à la batterie? Viens on fait un groupe! ». C’était reparti comme en 40. Les jams dans le garage de tes parents, les soirées et cet escalier qu’on va squatter non-stop à coup de clopes, de bières, de rosé, de batailles corse, de « petits-déjeuners » (c’est à dire une dernière clope) à regarder le soleil se lever avant d’aller se coucher. Les années fac où au moins cinq fois par semaine, on discutait sur MSN pour que, vers 1h du matin, l’un de nous lâche un « Escalier? », « Escalier! ». On se disait au revoir pour aller se coucher, puis on se capter à nouveau sur MSN et 30 minutes plus tard… « Escalier? ».

On était des gamins.

Je crois que ce qu’on aimait le plus quand on se retrouvait là, c’est qu’on était nous-mêmes, que tout était calme, apaisé. Par ce que oui, en société, toi et moi c’était pas toujours rose. Mon caractère de râleur face à ton côté désinvolte, parfois ça faisait boum. D’ailleurs il y a dix ans, jour pour jour, tu m’envoyais une mandale, une golden, peut-être la plus grande leçon d’humilité que j’ai dû affronter. Et cette leçon je ne l’ai jamais oubliée, jamais. Un check et c’était reparti pour une nuit dans cet escalier à jouer à notre jeu qui consistait à deviner à qui l’on pensait en ne répondant que par oui ou par non.

On était des gamins. Mais grâce à toi, je l’étais beaucoup moins.

Et puis la vie a commencé à s’occuper de nous. On travaille, on est fatigués, on habite chacun dans notre coin et on n’est plus aussi proches qu’avant. Il y a ces petites visites surprises à ta boîte à bouquins sur les quais de Seine, particulièrement celle où j’étais passé et tu avais mis plusieurs secondes à me reconnaître parce que j’avais perdu beaucoup de poids. C’était triste parce que ça voulait dire que l’on ne s’était pas vu depuis quatre mois. Mais c’était génial parce que tu avais fermé ta boîte et on avait fini au Galway à se pinter la tronche et refaire le monde. Jamais tu ne loupais mon anniversaire, la bonne année, Noël et quel plaisir de nous retrouver à telle ou telle soirée, sereinement, passionnément, à pouvoir me confier et profiter de tes leçons. Le temps nous éloignait, sans jamais nous séparer. Et la dernière fois que je te voyais, c’était il y a un an, dans cet escalier, pour se souhaiter la bonne année.

On était des adultes. On n’avait soit disant plus temps. Et je détestais ça.

Ce mec s’appelait Louis, il avait 34 ans. C’était un monstre de culture, une force de la nature, un Artiste talentueux, une tête de bois qui pouvait me rendre fou. Mais c’était surtout l’un des plus beaux amis que j’ai pu connaître. Et cette pute de vie me l’a pris. Nous l’a pris.

Repose en paix mon pote, trinque avec tes héros, avec Lemmy, Jeff, Malcom, Bon, Giger… Et merci pour tout. Je ne t’oublierai jamais.

OI ! »