Merci à Jack Chaboud pour sa note de lecture publiée dans le
numéro 318 -février 2018- de la revue Humanisme.
(Grand Orient De France)
« Le petit Poucet ». Jean-Louis et Louis Le Hir. 56 pages, couleurs. Editions Mosquito. 14 €
Les adaptations du conte de Charles Perrault sont innombrables, mais celle-ci prend place parmi les grandes versions illustrées de contes traditionnels, au côté de celles d’Arthur Rackham ou Gustave Doré. Il n’est pas question ici de revenir sur les interprétations historiques proposées par ces histoires folkloriques : victoire des faibles et des humiliés sur les puissants, triomphe de l’intelligence sur la bestialité, et dans « Poucet » parallèle entre guerres, grandes famines et climats rigoureux du Moyen Age, vécus au siècle de Louis XIV pendant lequel écrit Perrault. Pas question non plus de plonger dans les eaux où se baignent Tzvetan Todorov, Bruno Bettelheim et Marie-Louise von Franz, spécialistes des profondeurs de l’inconscient enfantin et pourvoyeurs de bien des travaux maçonniques sur la symbolique de la part d’enfance en l’homme et les oppositions ésotériques du bien et du mal : blancheur de la neige et du petit bonhomme, noirceur de la forêt profonde et de l’ogre… Pas question de s’arrêter sur ces sept enfants nés en moins de six ans, sur ces cailloux « sumbolum » remplacés par des miettes de pain jetés au long de voyages et d’épreuves qui jalonnent les parcours éclairés du labyrinthe dont Poucet, plus malin que Thésée, vient à bout tout seul.
En fait, au-delà de la proximité de ce « Poucet » avec le précédent album des Le Hir (« Hansel et Gretel », paru aussi chez Mosquito) rappelée par la famille misérable du bûcheron, la forêt, les cailloux et petits pains, l’ogre ou la sorcière, le triomphe du petit bonhomme les peurs et sagesse exprimés par les contes, ce qui incite avant tout à ouvrir grand cet album pour sept ans et plus, c’est la beauté plastique qui l’illumine : forêts ployant sous la neige, châteaux du vertige, personnages hallucinants, décors d’une remarquable beauté hauts en couleurs écarlates comme en clairs-obscurs, jouant des ressources de la BD : strips, texte illustré et mise en page.
Un petit bijou qui éclaire notre œil et notre esprit sur les traces de Poucet, juste avant que les oiseaux ne nous en volent les signes.
Jack Chaboud
A suivre …