Une chronique (7 mai 2012) publiée sur le blog Epistol’ART dans la rubrique La BD du Lundi :
Clown est un… clown. Jusque là, j’espère que vous suivez. Un clown itinérant qui se déplace de village en village avec sa roulotte et son cheval comme seuls bagages. Sa vie change lorsqu’il découvre un bébé abandonné qu’il décide alors de prendre sous son aile. La petite Zoé grandit et fait le bonheur du clown solitaire. Une nuit va tout changer, lourde de conséquences pour les deux personnages.
Cette BD est pour le moment un OVNI pour moi mais je pense que plusieurs lectures sont nécessaires pour bien s’imprégner de Clown, de Louis et Jean-Louis Le Hir aux éditions Mosquito. Et pour en capter toutes les subtilités, les non-dits, les richesses d’un dessin et d’une mise en couleurs qui créent une atmosphère si particulière.
Les non-dits, il en est d’autant plus question qu’il n’y a aucun dialogue dans Clown. Juste quelques bouts de phrases, disséminés ci et là, apportent quelques précisions mais paradoxalement, ils seraient presque de trop et leur pertinence ne m’a pas toujours sauté aux yeux.
Comme toute BD sans texte qui se respecte, l’ensemble se lit très (trop) vite, en quelques minutes mais je pense vraiment que l’ouvrage mérite qu’on s’y attarde, encore et encore afin qu’il se dévoile réellement à nous.
Clown a plusieurs atouts à faire valoir. Il est beau tout d’abord. Bougrement beau. Le panel des couleurs est superbe, tant dans des tons lumineux que dans d’autres plus sombres. Le dessin, particulier, a vraiment du charme et une identité propre qui sied à merveille ce genre d’histoire. C’est plutôt du côté scénario que j’aurais quelques réserves. Le pitch de départ n’a rien de franchement original mais ce n’est pas un problème tant le traitement est judicieux.
En revanche, il y a un certain manque de lisibilité lors de certaines scènes. Vouloir tout suggérer au détriment des mots est fort louable et, la plupart du temps, bien maîtrisé. Mais c’est quelquefois un peu plus laborieux. Du coup, il manque un petit supplément d’âme qui m’aurait fait m’attacher un peu plus à Clown et à Zoé. Il y a un peu trop de silences pour que ces beaux personnages pourtant touchants nous attendrissent pleinement. Du coup, lorsque tout bascule dans l’horreur (avec une mise en scène très juste, sobre mais éprouvante et terrible), on regrette d’avoir le sentiment que les personnages nous ont un peu échappé depuis quelques pages, quelques cases.
On peut aussi considérer que la fin est un peu expédiée. D’ailleurs, je m’étais fait la réflexion, aux deux tiers du livre, que Clown allait probablement être un diptyque. Ben non. Un peu dommage mais c’est tout le paradoxe de cette BD. Tout ne m’a pas convaincu et pourtant j’aurais aimé en avoir encore plus. Plus de jeunesse « insouciante » malgré les aléas de la vie et la pauvreté de leur condition de saltimbanques. Plus de moments partagés entre une Zoé adulte qui se cherche et un Clown un peu dépassé par une fille qui grandit et qui connait ses premiers émois. Un soupçon d’émotion supplémentaire lors de ces moments là et Clown aurait été, à mon sens, parfait.
Reste une très bonne BD dont la deuxième partie, bien plus sombre, la destine à un public averti. Nous ne sommes pas en présence d’une BD jeunesse mais bel et bien d’une BD adulte aussi tendre que tragique. Ce serait dommage, malgré les quelques réserves que j’ai pu faire et qui ne sont absolument pas rédhibitoires, de ne pas se laisser tenter.
FRANCK
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